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Le Brésil et ses 24 ans de disette : pourquoi la Seleção ne parvient plus à gagner la Coupe du monde

Le Brésil et ses 24 ans de disette : pourquoi la Seleção ne parvient plus à gagner la Coupe du monde

Seule nation présente lors des 22 éditions du Mondial, le Brésil traîne un fardeau historique : aucun titre depuis 2002. Alors que la Coupe du monde 2026 approche avec Carlo Ancelotti aux commandes, retour sur l’épopée d’une sélection qui a façonné l’histoire du football mais peine désormais à retrouver son trône.

Les débuts chaotiques : quand la Canarinha cherchait ses marques

L’aventure mondiale brésilienne débute en 1930, lors du premier Mondial organisé en Uruguay. Un baptême du feu difficile puisque la Seleção termine seulement sixième. Preguinho inscrit le tout premier but brésilien dans l’histoire de la compétition, mais contre Yougoslavie, c’est déjà la défaite. Une victoire face à la Bolivie ne suffit pas pour passer le cap.

Quatre ans plus tard en Italie, nouvelle désillusion. L’Espagne inflige une élimination précoce dès les huitièmes de finale. À cette époque, personne n’imagine encore que ce pays sud-américain deviendrait la référence absolue du football mondial.

Le premier signe d’espoir arrive en 1938 sur le sol français. Leônidas, véritable avant-garde du jeu brésilien, termine meilleur buteur du tournoi. La Seleção arrache une troisième place encourageante après avoir dominé la Suède. Ce Mondial marque le début d’une histoire d’amour entre le Brésil et cette compétition qui ne s’est jamais démentie depuis.

Le traumatisme du Maracanazo : quand Rio pleurait

Personne n’oublie le 16 juillet 1950. Ce jour-là, le football brésilien bascule dans le drame. Organisateur de la Coupe du monde, le pays tout entier prépare déjà les festivités. Le stade Maracanã déborde de près de 200 000 supporters venus célébrer ce qui semble acquis : le premier titre mondial à domicile.

Mais l’Uruguay en décide autrement. Menés 1-0, les Uruguayens renversent la vapeur et s’imposent finalement. La finale devient un choc traumatique gravé dans la mémoire collective. On parle encore aujourd’hui du Maracanazo, cette humiliation suprême qui hante toujours les supporters auriverde. Combien de Brésiliens quitteront le stade en pleurs ce soir-là ?

Les éditions suivantes n’apportent guère de réconfort. En Suisse 1954, nouvelle sortie prématurée en quarts face à la formidable Hongrie de Puskás. La Seleção cherche encore son identité, coincée entre tradition et modernité.

L’avènement de Pelé : naissance d’une dynastie

Tout change en 1958. Un adolescent de 17 ans nommé Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, va révolutionner le football mondial. En Suède, le Brésil adopte enfin ce jeu spectaculaire qui deviendra sa signature : le joga bonito. La finale contre le pays hôte tourne rapidement à la démonstration.

Le gamin prodige inscrit deux buts dans cette finale remportée 5-2. Just Fontaine termine meilleur buteur du tournoi, mais c’est bien Pelé qui entre dans la légende. Premier sacre mondial pour la Canarinha, premier d’une longue série.

Quatre ans plus tard au Chili, confirmation éclatante. Malgré une blessure qui prive Pelé d’une grande partie de la compétition, ses coéquipiers assurent le bicampeonato. La Tchécoslovaquie s’incline en finale. Le Brésil devient la première nation à conserver son titre depuis l’Italie des années 1930.

L’échec anglais de 1966 : les coups arrêtent la machine

Arrive 1966 et l’Angleterre. Cette édition marque un tournant brutal. Le football européen mise sur la puissance physique, parfois excessive. Pelé encaisse coup sur coup, littéralement. Les défenseurs adverses multiplient les fautes violentes, cherchant à neutraliser le génie brésilien par tous les moyens.

Résultat catastrophique : élimination dès le premier tour. Le Portugal et la Hongrie passent devant dans le groupe maudit. Une seule victoire contre la Bulgarie pour cette campagne ratée. Le Roi quitte l’Angleterre meurtri, jurant de ne plus jamais participer à un Mondial.

Heureusement, il reviendra sur sa décision quatre ans plus tard. Et quelle décision !

Mexique 1970 : la perfection absolue made in Brazil

L’édition mexicaine reste gravée dans le marbre comme l’apothéose du football brésilien. Beaucoup d’experts considèrent cette équipe comme la meilleure de tous les temps. Pelé, Jairzinho, Rivelino, Gérson, Tostão, Carlos Alberto… Un casting de rêve dirigé par Mario Zagallo.

Six matchs disputés, six victoires obtenues. Performances inédites : c’est la première fois qu’une sélection termine un Mondial avec un bilan immaculé depuis les qualifications jusqu’à la finale. Jairzinho marque à chaque rencontre, exploit jamais réédité depuis.

La finale contre l’Italie tourne au récital. Score sans appel : 4-1. Le dernier but inscrit par Carlos Alberto après une action collective somptueuse entre dans l’histoire comme le but parfait. Huit joueurs participent à cette œuvre d’art footballistique. Pelé délivre une passe décisive aveugle absolument sublime pour son capitaine qui fusille le gardien italien d’une frappe instantanée.

Cette Seleção incarne le summum du joga bonito. Elle conquiert définitivement le trophée Jules-Rimet après trois sacres. Jamais plus le football ne connaîtra pareille domination artistique. En 2025, cette formation reste vénérée comme référence absolue.

Les années 70-80 : la recherche de l’équilibre perdu

Difficile de succéder à une équipe légendaire. En Allemagne 1974, le Brésil de Rivelino termine quatrième. Performances honorables mais insuffisantes face aux géants européens. La Pologne s’impose dans le match pour la troisième place.

Argentine 1978 apporte un goût amer supplémentaire. Les voisins argentins organisent et remportent leur premier titre. Le Brésil atteint les demi-finales mais une polémique entoure encore le tournoi. La fameuse raclée 6-0 infligée par l’Argentine au Pérou permet aux locaux d’éliminer la Canarinha sans l’affronter directement.

L’édition espagnole de 1982 reste dans les mémoires comme une frustration immense. Cette Seleção emmenée par Zico, Sócrates, Falcão et Éder propose un football sublime. Mais contre l’Italie en deuxième tour, la magie n’opère pas. Défaite 3-2 malgré une domination stérile. Paolo Rossi transforme chaque occasion italienne tandis que les Brésiliens galvaudent les leurs.

Les désillusions mondiales : de Mexico à l’Italie

Le retour sur le sol aztec en 1986 n’offre aucune revanche glorieuse. La France de Platini élimine le Brésil aux tirs au but en quarts. Careca brille individuellement mais l’équipe manque de justesse collective.

Italie 1990 provoque une immense frustration. Après trois victoires convaincantes en poules, l’Argentine de Maradona arrête les Brésiliens dès les huitièmes. Match à sens unique que la Seleção aurait dû gagner largement mais qui se termine par une défaite 1-0. La malédiction argentine frappe encore.

États-Unis 1994 : enfin le tetracampeonato

Vingt-quatre années d’attente prennent fin sur le sol américain. Le Brésil retrouve son statut de champion du monde avec un effectif complet et équilibré. Romário et Bebeto forment un duo d’attaque redoutable. Dunga apporte la rigueur nécessaire au milieu.

La finale contre l’Italie se termine par une séance de tirs au but mémorable. Score vierge après prolongations. Roberto Baggio, pourtant génial durant tout le tournoi, envoie son penalty dans les nuages du Rose Bowl. Les Brésiliens exultent, le cauchemar s’achève enfin.

Cette victoire valide une approche plus pragmatique du football brésilien. Fini le jeu exclusivement offensif, place à un équilibre stratégique qui rapporte des titres.

France 1998 : l’énigme Ronaldo et la désillusion

Quatre ans plus tard, le Brésil vise le pentacampeonato. L’équipe traverse le tournoi avec autorité. Mais la finale au Stade de France reste entourée de mystère. Ronaldo, pourtant vedette absolue, semble absent mentalement. Des rumeurs évoquent une crise convulsive quelques heures avant le match.

La France locale déroule un récital. Zinedine Zidane inscrit deux buts de la tête. Score final sans appel : 3-0. Les Bleus célèbrent leur premier titre mondial tandis que les Brésiliens repartent avec mille questions sans réponse. Que s’est-il vraiment passé dans la chambre d’hôtel de Ronaldo ?

Corée-Japon 2002 : le dernier sacre d’une génération dorée

Le nouveau millénaire offre au Brésil son cinquième titre. Luiz Felipe Scolari compose un effectif redoutable autour du trio magique Ronaldo-Rivaldo-Ronaldinho. Le Fenômeno retrouve toute sa splendeur après des années de blessures.

Sept victoires en sept matchs. Performance égalée seulement par le Brésil de 1970. Ronaldo termine meilleur buteur avec huit réalisations dont deux en finale contre l’Allemagne. Le stade international de Yokohama célèbre le couronnement brésilien.

Cette cinquième étoile sur le maillot auriverde marque paradoxalement le début d’une longue traversée du désert. Personne n’imagine alors qu’il faudra attendre au minimum 24 ans pour espérer en coudre une sixième.

De 2006 à 2022 : l’interminable série des échecs

Les éditions suivantes racontent toutes la même histoire : arrivée en grand favori, élimination prématurée. Allemagne 2006, Afrique du Sud 2010, Russie 2018 : trois quarts de finale consécutifs. La France, les Pays-Bas puis la Belgique ferment successivement la porte des demi-finales.

Brésil 2014 constitue le traumatisme ultime à domicile. En demi-finale au stade Mineirão, l’Allemagne inflige une humiliation historique : 7-1. Le monde entier assiste médusé à l’effondrement brésilien. Comment une telle débâcle est-elle possible chez le pays du football ?

Qatar 2022 apporte une nouvelle désillusion douloureuse. Après des prestations encourageantes, la Croatie élimine encore le Brésil en quarts aux tirs au but. Neymar marque en prolongation puis voit ses larmes couler quand Petkovic égalise dans les dernières secondes. Ce sera probablement son dernier Mondial sans avoir jamais remporté le trophée tant convoité.

Mondial 2026 : Ancelotti peut-il inverser la tendance ?

Le tirage au sort prévu le 5 décembre prochain à Washington placera le Brésil parmi les douze têtes de série. Avantage stratégique certain pour éviter les cadors européens dès les poules. Mais suffira-t-il pour mettre fin à cette disette ?

Carlo Ancelotti a pris les commandes en juin 2025 après le limogeage de Dorival Júnior. L’Italien charismatique connaît bien Vinicius Junior, qu’il a sublimé au Real Madrid. Le numéro 7 auriverde n’a jamais vraiment explosé en sélection contrairement à ses performances madrilènes. À 25 ans lors du tournoi, il sera à son apogée physique.

La question Neymar agite les débats. Marquinhos plaide ouvertement pour le retour de son ancien partenaire parisien, tandis qu’Ancelotti lui accorde six mois pour faire ses preuves. De retour à Santos après son exil saoudien, l’attaquant de 34 ans tente désespérément de retrouver sa forme.

Le Brésil a validé sa qualification grâce à une victoire arrachée 1-0 contre le Paraguay, premier succès d’Ancelotti aux commandes. Le jeu proposé reste perfectible mais l’essentiel est acquis : la Canarinha disputera bien sa 23e phase finale consécutive.

Les chiffres qui parlent : 114 matchs de légende

Sur l’ensemble des Coupes du monde disputées, le bilan brésilien impressionne toujours : 114 rencontres jouées, 76 victoires obtenues, 19 nuls arrachés et seulement 19 défaites essuyées. Soit une efficacité de 72,32%. La Seleção a inscrit 237 buts tout en n’en concédant que 108.

Le classement historique mondial place le Brésil largement en tête avec 22 points d’avance sur l’Allemagne. Cette domination statistique contraste cruellement avec l’incapacité récente à décrocher le titre suprême.

Cinq sacres à travers trois continents différents : Europe en 1958, Amérique du Sud en 1962, Amérique du Nord en 1970 et 1994, Asie en 2002. Seul le sol africain manque encore au palmarès. Mais surtout, jamais le Brésil n’a gagné chez lui malgré deux organisations en 1950 et 2014.

Rendez-vous en 2026 : le rêve américain ou le cauchemar prolongé ?

Le Mondial se disputera du 11 juin au 19 juillet 2026 dans un format inédit à 48 équipes. Seize stades répartis entre États-Unis, Canada et Mexique accueilleront cette grand-messe footballistique. La finale se jouera au MetLife Stadium dans le Grand New York.

Un match amical prestigieux contre la France pourrait se tenir en mars prochain, ultime répétition générale pour tester le dispositif d’Ancelotti. Les supporters brésiliens rêvent déjà de voir Vinicius illuminer les pelouses américaines comme Pelé le fit jadis au Mexique.

Mais cette génération dorée saura-t-elle enfin conjurer le sort ? La Canarinha retrouvera-t-elle ce joga bonito qui faisait vibrer le monde entier ? Ou assistera-t-on à une énième désillusion pour le pays le plus titré de l’histoire du football mondial ?

La Confédération brésilienne souhaite prolonger Ancelotti au-delà de 2026, dissociant son avenir du simple résultat mondial. Signe que le projet s’inscrit dans la durée, visant également le Mondial 2030. Vingt-huit ans d’attente pour un sixième titre : ce serait déjà historiquement long. Trente-deux ans, ce deviendrait absolument insupportable pour tout un pays qui a fait du football sa religion.

Le compte à rebours est lancé. Dans quelques mois, le Brésil tentera de reconquérir son trône. Et cette fois, la pression sera maximale.