Dix-huit participations, trois étoiles sur le maillot et un palmarès qui fait trembler la planète football. L’Albiceleste s’apprête à défendre son titre au Mondial 2026 avec la faim d’un champion qui refuse de s’arrêter. Retour sur près d’un siècle de passion, de drames et de triomphes qui ont forgé la légende argentine.
Une qualification pour 2026 qui n’a jamais fait de doute
L’Argentine fait partie des six nations sud-américaines déjà qualifiées pour le Mondial 2026, aux côtés du Brésil, de la Colombie, de l’Équateur, du Paraguay et de l’Uruguay. Les champions du monde ont validé leur billet en mars 2025 après avoir corrigé le Brésil, offrant un spectacle qui a rappelé à tous pourquoi cette équipe fait trembler le continent. La sélection de Lionel Scaloni a dominé les éliminatoires de main de maître, avec une autorité qui laisse présager un Mondial passionnant.
Et puis il y a eu ce moment, début septembre 2025. Au Monumental de Buenos Aires, devant 80 000 spectateurs, Lionel Messi a disputé son dernier match officiel sur le sol argentin, inscrivant un doublé face au Venezuela lors d’une victoire 3-0. Un adieu orchestré avec une charge émotionnelle rare, où La Pulga s’est présenté accompagné de ses trois fils pour l’hymne national. Difficile de ne pas avoir la gorge serrée quand on réalise que c’était probablement la dernière fois qu’on le voyait briller sous ce maillot à domicile.
Les larmes coulaient dans les tribunes comme sur le visage du numéro 10. Messi a confié après la rencontre : « Pouvoir prendre congé de mon public de cette manière, c’est ce dont j’ai toujours rêvé ». La page d’une histoire longue de deux décennies s’est ainsi tournée au Stade Monumental, laissant derrière elle le souvenir d’un génie qui aura tout gagné avec son pays.
De l’Uruguay 1930 à la main de Dieu : quand l’histoire s’écrit en lettres d’or
L’aventure commence en 1930, lors du tout premier Mondial organisé en Uruguay. L’Argentine atteint déjà la finale, s’inclinant 4-2 face aux hôtes dans un match devenu légendaire. L’anecdote du ballon reste savoureuse : chaque équipe voulait jouer avec le sien, et le compromis trouvé permit à l’Argentine d’utiliser sa pelote en première mi-temps (elle menait 2-1 à la pause), tandis que l’Uruguay imposa la sienne après le repos et renversa la partie.
Les décennies suivantes furent chaotiques. L’Argentine manqua les Mondiales de 1938, 1950 et 1954, victime de conflits internes, de grèves de joueurs et de boycotts politiques. Le retour en 1958 fut brutal : une humiliation 6-1 face à la Tchécoslovaquie, baptisée le « désastre de Suède » dans les annales du football argentin. Qui aurait pu imaginer à ce moment-là que cette nation deviendrait l’une des plus titrées de la planète ?
Tout bascule en 1978. À domicile, sous la pression monumentale d’un pays entier, l’équipe de César Luis Menotti décroche la première étoile. Le parcours fut semé d’embûches : deuxième du groupe derrière l’Italie, l’Albiceleste dut ensuite affronter le Brésil et le Pérou en deuxième phase. C’est face aux Péruviens que l’histoire s’emballe : victoire 6-0 à Rosario, qualification arrachée dans les dernières minutes, et finale remportée 3-1 en prolongation contre les Pays-Bas. Une apothéose.
Puis arrive 1986, et avec lui l’épopée d’un certain Diego Armando Maradona. Au Mexique, le numéro 10 transcende le football. En quart de finale contre l’Angleterre, il inscrit les deux buts les plus célèbres de l’histoire : la « main de Dieu » d’abord, puis le « but du siècle » ensuite, slalomant entre six défenseurs avant de tromper le gardien anglais. La finale contre l’Allemagne (3-2) vient couronner un parcours d’anthologie. Carlos Salvador Bilardo et son équipe ont gravé leurs noms dans le marbre.
Les désillusions qui forgent le caractère d’une nation
Entre gloire et désespoir, le football argentin a connu son lot de déconvenues. 1990 : finaliste après avoir battu le Brésil et l’Italie aux tirs au but, l’Albiceleste s’incline face à l’Allemagne (1-0). 2014 : nouvelle finale perdue contre cette même Allemagne au Maracanã, sur un but de Mario Götze en prolongation.
Et que dire de 2002, ce fiasco retentissant ? Favorite après des éliminatoires exceptionnelles sous Marcelo Bielsa, l’Argentine tombe dans le « Groupe de la Mort » avec l’Angleterre et la Suède. Résultat : élimination dès le premier tour malgré une équipe bourrée de talents. Un traumatisme national.
Le parcours mondial de l’Argentine, c’est aussi 1966 et l’expulsion controversée d’Antonio Rattín face à l’Angleterre. Le capitaine argentin, furieux, s’était assis sur la moquette rouge de la Reine avant de quitter le terrain en froissant le fanion britannique. Les Argentins rentrèrent au pays en « champions moraux », une expression qui résonne encore dans les mémoires.
Qatar 2022 : quand Messi rejoint Maradona au panthéon
Le sacre de 2022 au Qatar reste une apothéose. Après une défaite initiale surprise contre l’Arabie saoudite (1-2), l’équipe de Lionel Scaloni se ressaisit et offre un spectacle d’anthologie. La finale face à la France restera comme l’une des plus belles de l’histoire : 3-3, prolongations haletantes, et victoire aux tirs au but.
Lionel Messi, en larmes, remporte enfin son premier titre majeur avec la sélection après une performance légendaire lors du tournoi. Cette victoire historique au Maracanã face au Brésil lors de la Copa América 2021 avait ouvert la voie. Le Qatar ne fut que la consécration finale d’un cycle victorieux exceptionnel.
Avec trois étoiles, l’Argentine se positionne juste derrière l’Italie et l’Allemagne (quatre titres chacune) et le Brésil intouchable (cinq sacres). Elle met fin à une disette de vingt ans pour le continent sud-américain, qui attendait un sacre depuis 2002.
Les chiffres qui racontent une légende
Sur 18 participations, l’Albiceleste a disputé 88 matchs en phase finale, pour 47 victoires, 17 nuls et 24 défaites. La sélection affiche 152 buts marqués contre 101 encaissés, un bilan qui la place au troisième rang de la table historique mondiale avec une efficacité de 59,84 %.
Au-delà des statistiques, ce sont des noms qui résonnent. Gabriel Batistuta, meilleur buteur de l’histoire en Coupe du monde pour l’Argentine avec 10 réalisations. Daniel Passarella, seul joueur argentin double champion du monde (1978 et 1986). Et puis Messi, évidemment, qui détient désormais le record de sélections (194) et de buts (114) avec l’Albiceleste.
Direction 2026 : l’ultime défi de la génération dorée
Pour le tirage au sort du Mondial 2026, l’Argentine figure dans le premier chapeau aux côtés de l’Espagne, de la France, de l’Angleterre et des trois pays hôtes. Une position de force qui reflète son statut de champion en titre. Le tournoi se déroulera du 11 juin au 19 juillet 2026 aux États-Unis, au Canada et au Mexique, avec un format élargi à 48 équipes.
La question qui brûle toutes les lèvres : Messi sera-t-il du voyage ? À 38 ans, l’octuple Ballon d’Or n’a pas fermé la porte. Il a confié : « La logique était que je n’y arrive pas, mais bon, on y est maintenant. Je suis excité, impatient ». Son contrat avec l’Inter Miami expire fin 2025, et tout reste ouvert.
Ce qui est certain, c’est que l’Argentine possède une génération capable de défendre son titre. Des joueurs comme Thiago Almada, le milieu de Lyon qui a marqué en Uruguay lors des qualifications, ou Franco Mastantuono, la pépite de 18 ans passée au Real Madrid, incarnent le futur. La relève s’organise, mais l’ombre de Messi plane encore.
L’histoire argentine en Coupe du monde, c’est près d’un siècle de passion, de trahisons, de rédemptions. De 1930 à 2026, cette nation a traversé tous les climats émotionnels que le football peut offrir. Et si une chose est sûre, c’est que l’Albiceleste abordera ce prochain Mondial avec la même détermination farouche qui l’a toujours caractérisée. Parce qu’en Argentine, le football n’est pas qu’un sport. C’est une religion dont chaque match devient un office sacré.
